Curiosité, cognition et intelligence artificielle : comment mieux apprendre à apprendre
Lors de la dernière Conférence M.I.A Seconde, Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l’Inria Bordeaux et conseiller scientifique chez EvidenceB, a partagé ses travaux sur les liens entre curiosité, intelligence artificielle (IA) et apprentissage, en s’appuyant sur les apports récents des sciences cognitives. Une intervention éclairante pour tous ceux qui s’interrogent sur comment mieux motiver les élèves, adapter les parcours d’apprentissage, et utiliser les outils numériques en classe de manière efficiente.
La curiosité : moteur de l’apprentissage
Au sein du laboratoire Flowers, Pierre-Yves Oudeyer et son équipe explorent une idée : les enfants n’apprennent pas uniquement en recevant des savoirs, mais en agissant activement sur leur environnement, guidés par une curiosité naturelle. Cette approche s’inspire des mécanismes d’apprentissage observés chez les enfants dès le plus jeune âge : ils apprennent à marcher, parler, manipuler, comprendre… sans instruction formelle, simplement en explorant. C’est ce que les chercheurs appellent le développement sensorimoteur.
Au sein du laboratoire Flowers AI & CogSci à Inria, Pierre-Yves Oudeyer et son équipe étudient le rôle de la curiosité dans les apprentissages : les enfants n’apprennent pas uniquement en recevant des savoirs, mais en agissant activement sur leur environnement, guidés par une curiosité naturelle. Cette approche s’inspire des mécanismes d’apprentissage observés chez les enfants dès le plus jeune âge : ils apprennent à marcher, parler, manipuler, comprendre… sans instruction formelle, simplement en explorant. C’est un mécanisme qui guide fortement le développement sensorimoteur.
Dans cette optique, l’enfant est vu comme un petit scientifique, qui teste, observe, se trompe, ajuste ses hypothèses, et construit progressivement des modèles du monde. Ce processus repose sur la motivation intrinsèque, un moteur puissant de l’apprentissage : les élèves s’engagent par intérêt, sans récompense extérieure, simplement parce qu’une tâche les stimule intellectuellement. Cette dynamique est est ancrée dans les réseaux cérébraux de la dopamine, qui joue un rôle central dans la motivation et l’attention.
Mais qu’est-ce qui rend une activité « motivante » ? Oudeyer évoque ici l’hypothèse du progrès en apprentissage : les élèves s’investissent davantage quand ils sentent qu’ils peuvent progresser (si la tâche n'est ni trop facile, ni trop difficile). C’est dans cette zone optimale de difficulté que la curiosité est la plus vive, et que l’apprentissage est le plus efficace. Cette hypothèse, formulée il y a une vingtaine d’année, a été confirmée ces dernières années par une série d’expérimentations menées par plusieurs laboratoires de recherche en psychologie, neurosciences et sciences cognitives dans le monde, et avec des sujets d’âges variés : nourrissons, enfants et adultes.
Ces résultats et cette nouvelle compréhension des mécanismes de l’apprentissage dirigés par la curiosité ont amené les chercheurs de Flowers à développer des outils numériques d’aide aux apprentissages, afin par exemple de personnaliser des parcours pour à la fois permettre un apprentissage plus efficace, mais aussi plus motivant. Ils ont ainsi développé des algorithmes adaptatifs, comme ZPDES (Zone Proximale de Développement guidée par l’Exploration Sélective), capables d’ajuster en temps réel le niveau des exercices proposés, en fonction du profil et des réponses de l’élève, et afin que ces exercices correspondent à ceux qui font le plus progresser les élèves. Contrairement à des parcours linéaires, ces outils maintiennent l’élève engagé, en lui proposant des activités qui font écho à sa progression et à son rythme, ni trop faciles et ni trop difficiles.
Cette approche a d’abord été expérimentée, et comparée à des parcours linéaires faits à la main par des experts, dans le cadre du projet KidLearn, auprès d’une population d’élèves d’écoles primaires et dans le contexte de l’apprentissage de la manipulation des nombres entiers et décimaux. Plusieurs outils de psychologie expérimentale ont ainsi confirmé les effets positifs et différenciant, tant en termes de progrès en mathématiques que de motivation intrinsèque.
De la recherche à la classe : quels leviers pour les enseignants ?
Les apports de Pierre-Yves Oudeyer ont des résonances concrètes pour la pratique enseignante, notamment au lycée. Une idée ressort : les élèves s’engagent plus facilement lorsqu’ils perçoivent qu’ils progressent. Ce sentiment de progrès alimente leur motivation intrinsèque, renforce leur attention et soutient leur envie d’apprendre. À l’inverse, un exercice trop facile ou trop complexe peut rapidement entraîner démotivation ou décrochage.
Cela invite à proposer des activités qui stimulent l’intérêt, plutôt que de se focaliser uniquement sur la performance. C’est aussi un plaidoyer en faveur de l’adaptation pédagogique, afin de mieux répondre à l’hétérogénéité des profils et des rythmes dans une même classe.
Dans ce contexte, certains outils numériques fondés sur l’IA et les sciences cognitives ouvrent de nouvelles possibilités. En s’appuyant sur des principes comme l’hypothèse du progrès, ils permettent de concevoir des parcours différenciés qui s’ajustent automatiquement au niveau de l’élève, et soutiennent un apprentissage actif, autonome et motivant.
M.I.A Seconde est un exemple de ressource qui se base sur cette hypothèse. Conçue pour accompagner les élèves dans la consolidation des automatismes mathématiques en lien avec les attendus de fin de cycle 4, elle intègre les travaux de recherche évoqués pendant la conférence. Les exercices proposés sont adaptatifs : ils évoluent en fonction des réponses données par l’élève, afin de maintenir un niveau de défi juste, propice à l’engagement. L’élève est ainsi guidé dans une progression personnalisée, tout en étant acteur de son apprentissage.
En somme, comprendre les mécanismes cérébraux de la curiosité, c’est ouvrir la voie à une pédagogie plus fine, plus motivante, et mieux outillée pour faire réussir tous les élèves. La conférence de Pierre-Yves Oudeyer rappelle qu’en articulant sciences cognitives, IA et pratiques de terrain de manière efficiente, des solutions concrètes peuvent émerger. Des dispositifs comme M.I.A Seconde en sont une illustration accessible et déjà mobilisable dans les classes.
Comprendre les mécanismes cérébraux de la curiosité, c’est aussi ouvrir la voie à des outils éducatifs plus intelligents. En intégrant ces découvertes, il devient possible de concevoir des séquences d’exercices dynamiques, qui s’ajustent automatiquement aux besoins et aux rythmes des élèves. Des systèmes comme ceux développés par EvidenceB s’inscrivent déjà dans cette logique, en combinant sciences cognitives, IA et pratiques pédagogiques.
En conclusion, cette conférence met en lumière une ambition principale: mieux apprendre à apprendre, en s’appuyant sur les ressorts naturels de la curiosité humaine. Et si l’IA peut aider à les amplifier sans les remplacer, c’est peut-être là que réside l’avenir de l’éducation.
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